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les toutes-puissantes qualités de la Nature immortelle qui se purifie de ses propres orages, et fait venir ses plus belles moissons dans du sang. Lord Byron s’était consolé de sa Marie Chaworth, en écrivant cette poésie qui s’appelle le Rêve. Brizeux ne se consola pas en écrivant la sienne. Il n’avait pas ce qui console de tout les grands poètes : l’égoïsme de leur génie. Si pour Byron la première douleur de l’existence ne fut bientôt que ce rêve inouï qu’il a si divinement chanté ; pour Brizeux, le rêve lui-même était la vie, et quand, éphémère comme tous nos songes, le rêve douloureux s’en alla, la vie qu’il était, la vie poétique de ‘auteur de Marie, s’en fut avec lui ! III

Cependant il restait encore la Bretagne. À l’amant délaissé de Marie, il restait ce qui vaut mieux à aimer qu’une femme ; — son pays. Certes, Brizeux a aimé le sien. Qui en doute ? Il était de cette terre qu’il a lui-même caractérisée :

La terre de granit, recouverte de chênes !

et où tout est solide et profond, jusqu’à l’amour qu’on a pour elle. Marie, sa Marie, sa douce dédaigneuse, il ne l’a peut-être autant aimée que parce qu’elle lui réfléchissait et lui symbolisait la Bretagne ; parce qu’il pouvait les appeler toutes deux dans celui de ses vers