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cœur souffre plus qu’on ne croit des morts qu’elle est tenue de constater ! Eh bien ! Dieu soit loué, nous avons échappé à cette obligation funèbre. Le poète expirant dans Les Contemplations ressuscite aujourd’hui dans la Légende. Aujourd’hui le lion relevé et debout remet tranquillement sa puissante griffe sur son globe.

M. Hugo a recommencé de vivre d’une vie plus intense peut-être que ne l’a été sa jeunesse. Dans les nouvelles poésies qu’il nous donne, ce lyrique éternel, même en hexamètres, il y a des accroissements de talent, des approfondissements de manière, des choses enfin que nous n’avions pas vues encore dans M. Hugo et que nous tenons à honneur (nous plus que personne) de constater.

Or, à quoi imputer ce changement, cette rénovation, cette résurrection, cette touche plus forte revenue à un génie poétique dont nous avions désespéré ? … Est-ce seulement, comme dans la santé humaine, la crise mystérieuse qui sauve tout et dont personne ne sait le secret ? N’y a-t-il là qu’un de ces revirements soudains, comme il en arrive parfois dans ces organisations souveraines ? ou bien, indépendamment des ressources de cette organisation privilégiée, y aurait-il quelque autre cause dont la Critique doive tenir compte et l’histoire littéraire se souvenir ? … M. Victor Hugo reprend-il son génie parce qu’il abandonne les idées auxquelles il l’avait donné à dévorer, comme Oreste son cœur aux serpents des Furies ? … Le poète de La Légende des siècles a-t-il rompu avec le coupable rêveur des Contemplations ?

Hélas ! malheureusement non, pas encore… Il y a