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de nous, la poésie, plus elle rentre chez elle. Elle a une perspective en sens inverse des choses, simplement visibles aux yeux corporels : plus elle s’éloigne, plus elle grandit et fort rayonne. C’est le contraire, hélas ! de l’homme qui diminue de toute manière et qui s’éteint, en s’éloignant. M. Siméon Pécontal est un poète lyrique et élégiaque, de cette simplicité qui à toute heure est rare, mais, à cette heure-ci, extraordinaire. Par ce côté, il n’est réellement pas de son temps. Dernièrement il a vanné les œuvres que nous connaissions, il y a ajouté et il a réimprimé un volume de choix qui a le mérite de l’unité dans l’inspiration et de la variété dans le détail des pièces composées. Il a voulu être spécial. Qui dit spécial dit plus artiste, et à l’exception des deux odes, dont nous parlions tout à l’heure, deux belles intruses auxquelles on pardonne en faveur de leur beauté, Chateaubriand et La mer à Biarritz, et de quelques fables dans lesquelles il n’a point imité La Fontaine, le seul genre d’éloge qu’on puisse donner à qui ose écrire une fable après l’incomparable et désespérant Maître Jean, M. Pécontal n’a été dans son volume que légendaire.

La Légende, avec sa piété attendrie, sa pathétique naïveté et son tragique surnaturel, est depuis longtemps l’Esprit familier qui hante sa rêverie, la Muse accoudée sur son épaule qui lui souffle au front, de ses lèvres pures, ses incantations mystérieuses. Le poète légendaire doit tenir de la nourrice, de la vieille fileuse, du mendiant, ces trois immenses poètes sans le savoir, venus en pleine terre de toute civilisation imparfaite. Il doit porter en lui leur accent spontané