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sur les Contemplations. Nous nous entendrions tous pour ne pas les lire. Nous nous entendrions tous pour les condamner. Excepté, en effet, les lamentins de l’exil, il n’y a plus d’hugolâtres. M. Hugo a tué sous lui le dernier de ses admirateurs, et il restera désormais démonté et à pied pour toute sa vie. Qu’il se contemple ainsi, si bon lui semble, mais que ce soit la dernière de ses Contemplations ! Toute notre prétention, dans le jugement que nous avions porté sur les poésies d’un homme que l’on a trop nommé un grand poète, avait été de montrer cela et de le prouver. Pour quelques esprits, la preuve a été suffisante ; mais, pour d’autres, le croira-t-on ? elle est imparfaite. Nous allons donc l’achever. Nous avions pris la fleur du panier ; maintenant nous allons prendre partout. Nous allons faire notre chapitre avec M. Hugo. Nous allons continuer de le citer. Ce sera une simple exposition de vers littérairement criminels, car le beau a ses lois inviolables. Il faut en finir d’un seul coup avec cette mauvaise plaisanterie qui nous répond exil quand nous parlons littérature. Les vers de M. Hugo ne sont pas exilés !

S’ils l’étaient, nous serions plus doux. Mais le livre des Contemplations circule librement en terre de France, et on le vante, si on ne peut l’achever. Avec le nom de M. Hugo et l’exil, on prendrait ce livre pour un chef-d’œuvre, une divine Comédie, si la Critique n’avait pas le courage de crier haro ! Cette espèce d’illusion que le livre détruirait à coup sûr, pour peu qu’on lût le livre, pour peu qu’on eût la force d’absorber ces huit cents pages de vers qui n’ont pas d’autre raison d’existence que le moi de M. Hugo,