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ce talent qu’elle a, sans effort, dans beaucoup de fragments de ses poèmes et dans une partie de ses poésies, la partie, par exemple, qui est datée de 1828 et qui remonte au delà.

Avant 1828, en effet, Mme Delphine Gay ressemble infiniment à ce que fut, vers le même temps, Mme Desbordes-Valmore, qui a fini par toucher son idéal dans une pureté d’éther. Elle est Empire, Malvina, clair de lune et romance ! Ce n’est pas un poète, c’est une harpiste. Dans tout ce qu’elle écrit, il y a de la harpe, de cet instrument suranné et comédien où, quand on les avait beaux, on mettait ses bras en espalier. Les titres seuls de ces Poésies préviennent et en donnent l’accent : c’est La Noce d’Elvire, La Druidesse, Chant ossianique sur la mort de Napoléon, La Tour du prodige, L’Ange de poésie, Ourika, L’Écho des Alpes, etc. ; mais en 1838 la voix s’est affermie et étendue. L’émotion vraie éclate, casse les cordes de la vieille harpe, et les bras veufs survivent dans le naturel de leur beauté ! Alors l’oiseau qui muait, l’oiseau de l’Élégie, ce bouvreuil à la gorge sanglante, a toutes ses plumes rouges sur le cœur, et dans le gosier, toutes ses notes déchirantes.

On peut vraiment presque tout citer des pièces intitulées : Il m’aimait, L’Une ou l’autre, le Rêve d’une jeune fille, Le Départ, le Découragement, le Désenchantement, L’Orage, le Conseil aux jeunes filles et La Nuit, la pièce la plus inspirée, où la femme malheureuse arrache son masque pour ne pas étouffer, sûre de n’être pas vue, et, quand vient l’aurore, le rejette sur sa figure avec une fougue si pathétique de main !

Mais il faut être juste, Mme Delphine Gay ne fut pas