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rhythme avant d’y découvrir sa veine, brillant enfin dans les chansons ! Différent en cela de Burns, qui ne savait presque rien, qui avait la savoureuse et toute-puissante originalité de son ignorance, car il faut être un poète suprêmement fort pour se permettre d’avoir, sans inconvénient, de la littérature, M. Pierre Dupont arrivera peut-être à rompre avec la tyrannie des imitations qui l’oppriment encore. II s’affranchira comme Hégésippe Moreau s’est affranchi.

Mais, je veux le lui répéter en finissant, la première condition de cet affranchissement que je souhaite, c’est le renoncement aux idées que je trouve dans la préface des Études littéraires et qui montrent bien à quel point le lettré diminue et gâte le paysan. M. Pierre Dupont est un socialiste éclairé qui croit que le mal périra sur la terre et que l’ivraie parmi le blé disparaîtra comme tous les abus. C’est un ennemi de la guerre qui finit une de ses plus belles chansons (non paysanne, celle-là ! mais belle ! ) par ce trait qu’il croit sublime et qui n’est que mesquin :

Marins, le plus grand des trois-mâts

N’est sur la mer qu’une coquille.

Du sang verse dans les combats

On ne fait pas la cochenille,

ce qui est une vérité plate et une idée de teinturier. Certes, on en fait mieux ! On en fait de nobles exemples pour les générations qui suivent et de grands souvenirs pour l’histoire. L’histoire, qui conserve ce sang, trempe là-dedans les courages et les baptise