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II



Et tel est le poète nouveau qui se présente aujourd’hui au public, son œuvre à la main. M. le Conte de L’Isle s’était d’abord révélé par de magnifiques vers descriptifs dont nous parlerons tout à l’heure, et sur cet échantillon d’un ballot trompeur et qu’on nous étale aujourd’hui tout entier, quelques personnes, promptes à l’enthousiasme, avaient voulu faire de M. le Conte de L’Isle une puissance. Malheureusement, quoique le nom qu’on porte vienne de la prétention qu’on a, M. le Conte de L’Isle n’est pas un poète. C’est un masque de talent (je le veux bien), mais un masque qui n’a que deux costumes à son usage, — les acteurs de la pensée sont moins riches que ceux de la scène, — le costume antique et le costume indien.

Le costume antique pris à André Chénier, qui du moins y avait moulé une beauté d’Antinoüs ou d’Alcibiade, a été, dans ces derniers temps, un peu défloré, sur le tremplin, par M. Théodore de Banville, un Ancien d’imitation aussi comme M. le Conte de L’Isle. Aussi le costume original et neuf pour ce dernier est l’indien, qu’il porte bien mieux. Malgré les vers sur Hypathie, Glaucé, Thyoné, Cybèle et Khiron, etc., etc., M. le Conte de L’Isle est un Indien qui parle en indien et pense en indien, si une telle chose s’appelle penser ! Il a le nez englouti dans le