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étonnée, que la profondeur sous la légèreté, c’est un livre qui fera cette charmante surprise du sérieux caché sous la grâce, et la grâce dans ses plus ravissantes audaces, dans ses plus adorables folies ! Je viens de le lire, ce livre nouveau de M. Amédée Pommier, et j’en suis ivre encore. Mais rassurez-vous, pas jusqu’au délire ! J’espère ne pas déraisonner en vous en parlant. L’ivresse qu’un tel livre cause est dans les sensations qu’il donne et le plaisir qu’il fait. Elle n’est pas dans ce qu’il inspire.

L’admiration que vous avez pour le talent qui l’a écrit a sa raison d’être — très-positive et très-aisée à justifier. Or, nous l’avons dite d’un seul mot, elle est surtout dans un sérieux dont on connaît l’accent, l’inoubliable accent, retrouvé sous cette masse (peut-on dire masse de choses si légères ? ) de vers frémissants, impondérables et lumineux, comme un nid qui palpiterait caché dans le fourré, traversé d’air bleu, du plus étincelant des feuillages ! Seulement ici l’accent connu, l’accent profond ne vibre pas longtemps. Sa belle note basse y meurt sous les rires frais, ces spirales de son, de la grâce gaie, de la grâce jusqu’ici la victime de la profondeur et la plus faible des deux dans le poëte de L’Enfer, des Assassins, du Livre de sang, des Crâneries, mais qui aujourd’hui prend sa revanche, et jette au public ce joli titre qui s’en moque, Colifichets, ou cet autre encore, Jeux de rimes, car, vers, ce serait trop ! Non, Jeux de rimes ! pour éviter de dire des vers !

Et tout cela est exact, cependant ! Colifichets ! Jamais il n’en fut de plus frivoles que ceux-ci, de plus aériens, de plus osés, de plus fantaisie, de plus rien