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d’inventé par lui dans la pensée. Un autre poète aurait montré peut-être quelque point de vue inconnu, tout en restant ancré et solide dans le dogme : Jésus-Christ, par exemple, s’effaçant devant les saints parvis, mais les coupables n’osant entrer dans l’effrayante lumière, et se damnant eux-mêmes comme ils l’ont fait pendant la vie, se précipitant en enfer pour se cacher à leurs propres yeux, et criant : « Plus noir ! plus noir encore ! » aux ténèbres… Il y avait ce dernier regard des maudits sur les perspectives du ciel qui a fait trouver à Salvien un mot si sublime : « Le ciel brûle plus que l’enfer ! » et dont un autre poète aurait tiré un grand parti. Mais M. Pommier n’a pas de ces percées inattendues. Il s’en tient aux superficies de la tradition, mais avec quel pinceau et quelle couleur il sait les reproduire !

On voit leurs foules désolées,

D’un regret navrant affolées,

S’enfuir par épaisses volées

Des parvis sereins de l’Éther.

Ils tombent en cascade, en nappe,

En avalanche, en lourde grappe, etc., etc.

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Des diables à rugueuses cornes

Vers les flamboyants souterrains

Font avancer les damnés mornes

A coups de fourche dans les reins !

Ils se traînent, livides troupes,

Saisis d’effroi, comme ces groupes

De bœufs pesants aux fauves croupes,

Menés de force à l’abattoir,

Et, si quelqu’un d’entre eux s’attarde,

Le rude argousin qui les garde

Vient hâter sa marche — et lui larde

Les flancs d’où jaillit un sang noir !