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bien profonde pour résister, dans l’imagination de ceux qui la lisent, à de pareilles révélations !

III

Le poëme de M. Frédéric Mistral, qui n’en serait pas moins ce qu’il est, quand il serait signé par le Gazonal de Balzac, n’existe, comme toutes les œuvres vraiment poétiques, que par le détail, l’observation, le rendu et l’intensité du détail. Les artistes, comme Dieu, font quelque chose de rien. Le rien dont M. Frédéric Mistral a tiré sa colossale idylle est l’amour de la fille d’une fermière pour un pauvre vannier, à qui ses parents la refusent en mariage. De désespoir, cette fille, qui s’appelle Mirèio, va aux Saintes pour leur demander assistance, et elle meurt dans la chapelle même des Saintes des fatigues de son pèlerinage. Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la Corrége sur des lignes à la Michel-Ange !

Corrége et Michel-Ange ! Je sais bien que ce sont là des noms qui brûlent et que la Critique doit manier comme elle manierait la foudre ! Corrége, même par clartés qui passent ! Michel-Ange, même par tronçons qui s’interrompent, ce sont là des objets de comparaison effroyablement redoutables, je le sais, mais je