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II

Eh bien ! cela dit au préalable et accepté, l’auteur de Mirèio, de ce poëme que je viens d’appeler plus haut une épopée, est-il un poète épique surgissant tout à coup parmi nous, et la Critique la plus généreusement intrépide prendrait-elle sur soi de le revêtir de cette épithète lumineuse ? … Prudente, elle y regarderait à deux fois. Et cependant, si le caractère distinctif du poète épique est de voir grand, de jeter sur la nature un de ces regards dans lesquels elle se peint plus grande qu’elle n’est réellement, en dehors de ce regard transfigurateur, il faut bien convenir que l’auteur de Mirèio a dans le talent quelque chose du poète épique, et son poème est là pour le prouver.

C’est une œuvre tout à la fois simple et solennelle, élevée et familière, délicate et robuste, idéale et rustique, très-éloignée des manières de dire et de peindre des civilisations présentes, qui donnent des poètes comme Edgar Poë pour les plus forts de ses produits. Écrite en provençal, dans ce langage qui semble l’écho de tous les dialectes du monde italique, cette longue bucolique, où l’air qui vient de Grèce sur les flots de la Méditerranée a déferlé et se maintient grec sur les larges pipeaux de ce singulier pâtre du pays des Troubadours, peut soulever plus d’une question, mais non celle du talent. Il est incontestable. Ainsi, on peut se demander si c’est là de la poésie naïve ou de la poésie