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et Couleuvres a répété le cri d’angoisse qu’avait jeté déjà lord Byron, et il ne l’a point énervé, en le répétant. Le Sybarite des autres poésies, le bel Attristé de la jeunesse perdue et des vulgaires trahisons de l’Illusion et de l’Espérance, disparaissent. Une douleur plus mâle et plus profonde a exalté les puissances du poète, et le sentiment paternel, — le plus beau sentiment de l’homme qu’avec leurs cris de bâtards contre la famille, des penseurs à la mécanique voudraient diminuer dans nos cœurs ou en arracher tout à fait, et qui résistera à leurs efforts insensés, — le sentiment paternel élève sa Muse à une hauteur et à une ampleur de ciel qu’elle n’avait pas jusqu’ici accoutumé d’atteindre et dont, sous peine d’affaiblissement, elle ne doit plus désormais descendre.

Non, elle ne doit plus en descendre… Quand la Pensée a pris de certains vols, elle ne peut plus revenir sur elle-même sans avoir l’air de tomber. Déjà très-éloigné par la vérité des sentiments de son premier recueil de poésies qui n’avait que la vérité très-relative de la jeunesse et la ferveur de l’imitation, M. de Beauvoir, s’il ne veut pas manquer aux dons qu’il a reçus, aux facultés d’une nature primitivement exquise et dont il a certainement abusé comme tous ces Polycrates de la destinée qui lancent à la mer leur émeraude qu’un brochet ne leur rapporte pas toujours, M. de Beauvoir doit entrer résolument dans la voie que certaines pièces de son dernier recueil viennent d’ouvrir. Il doit laisser là les vers de tambours de basque et de castagnettes, ce facile Carnaval de l’Espagne, les amabilités aux danseuses et lé marivaudage des albums, et se maintenir dans une région