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exprimer des sentiments vrais et se soulager de leurs émotions en les faisant partager.

Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au XIXe siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie ! Une renaissance de Renaissance, sera-ce donc l’œuvre du XIXe siècle ? En vérité, on le croirait quand on lit les poésies du XVIe et qu’on les compare aux poésies de notre temps. Choses et hommes, les analogies sautent aux yeux. Nous n’avons pas, il est vrai, parmi nous le génie et la grande figure jupitéréenne de Ronsard, sa dictature indiscutée et funeste, funeste même pour lui, car le faux système a tué sa gloire en l’écrasant dans son œuf d’aigle ; mais, si l’on cherchait bien, on trouverait Desportes, et, en disant cela, nous ne disons de mal de personne… M. Roger de Beauvoir, qui est de ce temps, qui a le malheur peut-être d’être trop littéraire pour un poète, M. Roger de Beauvoir dont la nature ouverte et sympathique s’imprègne des contagions aussi bien que des parfums, a dû porter sur sa pensée l’influence de la littérature générale de l’époque qu’il a trop étreinte avec le feu de son esprit. Et, en effet, éclatante d’abord dans ses Poésies de cape et d’épée, cette influence est visible encore dans ses Colombes et Couleuvres, quoique évidemment bien diminuée. Mais nonobstant, ce qui distingue, ce qui met