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à un degré supérieur d’énergie, tout le temps qu’il savait moins, et par conséquent qu’il était plus sincère, la poésie est morte enfin, indigérée de littérature !

II

Et pourquoi pas ? … Elle est morte dans d’aussi forts et peut être dans de plus forts que M. Sainte-Beuve. C’est la science, les notions demandées à tout, l’encyclopédisme, cette rage des vieux siècles littéraires, qui a fait faiblir la poésie aussi dans Gœthe ; et je cite Gœthe, ce poète, qui n’a pas selon moi la grandeur qu’on lui donne, mais que je prends comme un exemple, parce qu’il est superstitieusement respecté ! Quand Gœthe, lutiné par l’idée de Voltaire, voulut jouer aussi à l’universalité, quand il se fit naturaliste, dessinateur, et dessinateur jusqu’au point de dire « qu’en dessinant, son âme chantait un morceau de son essence la plus intime », Gœthe tombait de son ancienne poésie, sentie, ressentie, exprimée, selon l’âme qu’il avait (et il n’en avait pas beaucoup), dans l’art élégant, ingénieux, fin, savant ; dans l’art qui est toujours le stérile, quoique le matériel amour des choses difficiles.

Eh bien ! ce qui est arrivé à Gœthe est arrivé à M. Sainte-Beuve. Il est devenu un artiste laborieux en vers, au lieu d’être le poète qu’il avait commencé d’être. Il a voulu avoir du goût, comme on l’entend à l’Académie. Il a finassé avec la Muse, cette franche fille