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de ces ruses familières aux poètes de décadence, quand ils veulent réveiller, par un caviar quelconque, les imaginations blasées et engourdies. Mais, en ce cas là, Chatterton, qui s’est fait moine au XIIe siècle, et non pas une moitié de moine, serait un peu plus fort que lui !

X

En effet, ce Brizeux qui s’est brisé en deux, cet homme mi-parti et dédoublé, qui tantôt est un Français en Bretagne et tantôt un Breton à Paris, a voulu un jour être plus que Breton, lui qui ne l’était pas assez. Il a voulu forcer sa teinte et il a essayé d’être Armoricain. Les gens de Paris l’avaient trouvé si agréablement Breton qu’il s’est dit, connaissant peu son monde du reste, qu’il allait leur donner de la Bretagne ancienne avec de la Bretagne moderne, puisque la moderne leur avait plu ; et il se mit à écrire en vingt-quatre chants son poëme épique et populaire intitulé Les Bretons. C’eût été l’ouvrage de sa maturité, si la maturité avait été possible à ce talent, toujours de seize ans… Hélas ! avec l’expérience de cet âge ingénu, le pauvre Brizeux se trompait. Il ne savait pas que dans cet adorable pays qui n’était pas le sien, il ne faut jamais revenir sur une sensation. Or, ce n’était guère que la même qu’il allait donner.

Hormis en effet le plan de son poème, qui est ambitieux, et le labeur que l’on y sent, comme l’enclume,