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lecteurs qui l’entendent et peuvent le juger, mais les écrits de Sainte Térèse sont plus difficiles à comprendre dans les arcanes de leur beauté que les livres même de Laplace. Nous parlons surtout de ses grandes œuvres spirituelles, sa Vie écrite par elle-même et ce Château de l’âme, sur lequel un jour nous reviendrons. Seulement, avant de terminer, nous voulons dire un mot d’un livre plus facile à comprendre pour les esprits positifs du siècle (positifs ! ils le croient du moins !) et qui va nous montrer, dans la Sainte Térèse entrevue, une autre Sainte Térèse inconnue : c’est le livre des Fondations.

Sainte Térèse est toujours pour l’imagination ou l’ignorance française le fameux portrait de Gérard ; la belle Sainte à genoux, avec sa blancheur de rose macérée, son œil espagnol qui garde, sous la neige du calme bandeau, un peu trop de cette mélancolie, qui ne vient pas de Dieu, car il n’en vient nulle mélancolie, et ces mains de fille noble qui, jointes très-correctement sur le sein, disent aussi un peu trop à la bure sur laquelle elles tranchent, qu’elles étaient faites pour la pourpre. Telle est la Térèse de Gérard. Peinte pour Chateaubriand et pour la société qui était redevenue chrétienne en lisant le Génie du christianisme, c’est la Sainte Térèse de ce livre rhétorico-religieux, mais ce n’est pas la Térèse de la Tradition espagnole et de l’histoire.

On cherche en vain dans cette aristocratique religieuse agenouillée, sous ce visage, à l’ovale si pur, que l’austère et strict bandeau fait paraître plus pur encore, la Mystique dont l’âme, à force d’énergie, détruisit le corps, la paralytique aux os écrasés et aux nerfs