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de son esprit, par la prétention de son système, par l’isolante force ou faiblesse de son principe, je pense, donc je suis, Descartes est l’orgueil de la personnalité solitaire. Avec la hache de son scepticisme, il a coupé tous les câbles qui attachent la pensée humaine à la tradition. Robinson intellectuel d’un désert qu’il a fait autour de sa propre pensée, il a voulu créer tout, dans le vide qu’il avait creusé. Il est évident qu’un tel homme n’admet ni ancêtres, ni prédécesseurs ; mais il n’est pas moins évident non plus que si la parenté n’est pas reconnue par la volonté, elle subsiste dans la pensée, car, si elle n’y était pas, croyez-le bien, les philosophes modernes, plus ou moins issus de Descartes, auraient laissé bien tranquille dans sa niche de Saint, le grand Anselme de Cantorbéry, et ne lui auraient pas fait cette gloire posthume qu’ils se sont mis à lui faire, moins pour lui encore que pour eux !

Et en effet, au simple point de vue de la tactique, après toutes les injustices et toutes les ignorances du XVIIIe siècle, n’était-il pas habile et spirituel tout ensemble d’enrégimenter jusqu’aux Saints sous la bannière de la philosophie ? Mais nous irons plus loin. Si ce n’était pas là une simple tactique ; s’il était vrai, s’il était réel que la métaphysique d’un saint, et, par exemple de saint Anselme, eût des racines secrètes, inévitables, nécessaires avec toute cette métaphysique transcendante qui doit un jour remplacer, par la clarté de l’idée pure, le demi-jour des religions, une telle analogie, une telle rencontre ne serait-elle pas encore meilleure à montrer, à démontrer, à proclamer de toutes les manières possibles, comme une de ces preuves, grosses de bien d’autres, qu’on jette dans les