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volumes qui, erreurs à part, accusait plus d’aperçus et de verve cérébrale que les livres publiés depuis par l’auteur. La maturité ne porte pas toujours bonheur à tout le monde. L’esprit de M. de Rémusat a eu la maturité des femmes blondes, — il a passé. A l’époque, lointaine déjà, où M. de Rémusat écrivait son Essai de philosophie, il y avait en lui ce pétillement d’idées qui ferait croire à la force d’individualité d’une intelligence, mais ce n’était là qu’une illusion, due probablement à sa jeunesse. En réalité M. de Rémusat était bien plus pétri par les philosophies qu’il maniait qu’il ne les pétrissait lui-même. Il recevait alors, — comme un homme plus grandement doué que lui, M. Cousin, — l’influence de ces systèmes allemands, Barbares de la pensée civilisée et savante, contre lesquels il n’y a plus maintenant que le catholicisme pour refuge, comme il n’y avait non plus que le catholicisme, du temps des Barbares matériels ! L’unique différence était peut-être que M. Cousin, avec son ardente sensibilité et l’éclat chaleureux de son esprit, recevait l’impression de la pensée allemande, comme une cire bouillante et splendide reçoit l’empreinte dans laquelle jouera la lumière, tandis que M. de Rémusat la gardait comme une cire pâle et tiède, sans cohésion et sans solidité. N’importe ! l’un comme l’autre, l’esprit qui vivait le plus comme celui qui vivait le moins, ils devaient si bien retenir, en eux, la marque de cette philosophie, que, malgré le temps, la réflexion et la peur inspirée par des doctrines qui ont fini par donner Arnold Ruge à l’Allemagne et Proudhon à la France, on la retrouve