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tout à coup dans l’histoire. Il a fait de l’histoire sans texte contre une histoire qui en a un. Mais une histoire sans texte pourrait fort bien être un roman.

Et quand on est sorti de la Genèse, le roman continue ou du moins une histoire que rien n’affermit ni ne prouve ; qui, lorsqu’elle n’est pas entièrement fausse, quand les faits et les textes ne la démentent pas, n’a pour elle que des inductions et des analogies, assez peut-être pour donner le doute, pas assez pour donner la. foi ! Ainsi, — pour ne prendre qu’un détail entre tous, — où M. Pelletan a-t-il vu ailleurs que dans les arrangements de sa pensée, ou sur l’échiquier idéal dans lequel il encastre les événements et ploie l’histoire du monde à sa fantaisie, que l’homme fut chasseur avant d’être pasteur, que ce fut le troupeau qui lui donna l’idée de la famille ; la chasse et les partages de la proie, l’idée de la propriété ?… « Le jour où l’homme laissa les agneaux auprès de la brebis, il garda auprès de lui ses enfants, et la famille fut fondée. » C’est la phrase même de M. Pelletan.

En nous tenant en dehors des livres qui sont pour nous la vérité, les premiers développements humains des sociétés, comme M. Pelletan les raconte, ne seraient encore que des probabilités de simple bon sens, et malgré notre respect pour le bon sens, il faut plus que cela pour expliquer l’homme. Des probabilités, quand il s’agit de l’écheveau brouillé des origines ! La philosophie en a beaucoup accumulé, mais à sa honte, elle y a rongé son frein, cassé sa sangle, bu son écume. Elle y a épuisé son effort. Nous avons d’elle toute une bibliothèque bleue de systèmes que l’Histoire a balayés de son pied tranquille, comme