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question que le panthéisme moderne a posée et qu’à plusieurs reprises il a essayé de résoudre, M. Pelletan, démocrate, protestant, hégélien plus ou moins, le sachant ou sans le savoir, a trahi la philosophie, la seule puissance dont il relève, car si M. Pelletan n’est pas philosophe, qu’est-il donc ? En quelle classe d’esprits le rangerons-nous ?… Dans son livre, il n’a pas procédé une seule fois à la manière de ses maîtres, car il a des maîtres, nous les connaissons. Eux sont, avant tout, des anatomistes de la pensée. Tous leurs systèmes sortent des abîmes d’une psychologie qui leur semblait, en tout sujet, le point de départ inévitable, mais qui les a perdus, parce que qui descend dans l’homme sans la main de Dieu ne remonte plus ! M. Pelletan n’invoque point, lui, cette méthode sévère. Il ne commence point par creuser dans les facultés de l’homme pour mieux juger du but de l’humanité. Avec cette légèreté enflammée d’un poëte, qui ne consume rien et qui n’éclaire pas, il parle, au début de son livre, du sentiment et de la raison, ces deux ailes de l’âme ; mais il n’en décrit pas les fonctions, il n’en montre pas l’origine.

Cependant la théorie de la connaissance doit forcément s’élever derrière toute philosophie. Il n’y a que nous, les enfants d’une révélation positive, qui puissions nous passer de construire une théorie de la connaissance pour donner de l’autorité à nos assertions. Nous, nous commençons par Dieu l’histoire de toutes choses, et cette vue-là simplifie tout. Mais ce dont nous sommes dispensés, nous les hommes du passé et les mystiques, comme nous appellent nos ennemis, M. Pelletan y est tenu. Eh bien ! de cette obligation