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que, comme tous les gouvernements qui veulent vivre, elle a privé de leur liberté les gens qui s’en servaient contre elle ; les autres l’ont appelée généreuse et se sont même servi de l’histoire de Silvio Pellico pour le prouver, mais quelle discussion est maintenant possible devant des aveux aussi calmes, aussi pourpensés, aussi nuancés que ceux-ci ? « Il me semble voir par la plus récente des lettres de M. de Haller, — écrit Silvio à la comtesse Masino di Mombello, — qu’en voulant un peu me justifier, vous avez, sans le savoir, dépassé les termes exacts de la vérité. Vous lui avez dit, à ce qu’il paraît, que je n’ai pas été coupable. Eh ! mon Dieu, n’y a-t-il qu’un degré de culpabilité ? N’est-on qu’une de ces choses, innocent ou digne d’être condamné à mort et traîné par grâce au Spielberg ? J’ose penser que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir CONSCIENCIEUSEMENT me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. Mais je ne puis pas dire pour cela que je ne fusse nullement répréhensible. Car, puisque je n’aimais pas la domination autrichienne, mon devoir aurait été de réprimer et de cacher mes dangereux sentiments ou d’abandonner les pays gouvernés par l’Autriche. Au lieu de cette conduite sage et chrétienne, je croyais que l’on pouvait professer ouvertement l’opposition, et j’avais la folie de voir sous un aspect avantageux les sociétés secrètes qui pullulaient en Italie. »

Voilà à toute page de la correspondance le langage de Silvio Pellico. Il est le casuiste de sa propre culpabilité, et il la décrit et la mesure avec la précision d’