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là pour nous des recommandations bien puissantes. Quoique nous reconnussions que l’accent du livre des Prisons ne fût pas un accent de la terre, cependant cet accent qui nous troublait, s’arrêtait à une certaine place de notre âme. Il n’allait pas plus loin. Il ne la pénétrait pas, car si la douceur, la désarmante douceur, était dans ce livre, il n’y avait pas de repentir ! C’était un langage inconnu, il est vrai, à la plupart de ceux qui ont fait entendre aux hommes l’éloquence de leurs chaînes, et qui se sont bâti un palais de publicité avec les murs de leur prison. Avant Silvio Pellico, il y avait eu des prisonniers célèbres. Nous avions eu Mirabeau à Vincennes, Trenck à Magdebourg, Latude à la Bastille et à Charenton, mais tous, avec ou sans génie, étaient plus ou moins d’abominables déclamateurs, des poseurs de colère et de mépris vautrés dans leur orgueil encore plus que dans la paille et les misères de leur cachot. Pour la première fois donc, il sortait de ce soupirail par lequel avaient passé tant de cris furieux ou sinistres une voix fraîche et pieuse, comme Dieu, en se penchant vers nous, en entend, au pied de l’autel. Cela parut nouveau et sublime, et cela l’était ! Mais, malgré tout, la question de l’Italie, la question des gouvernements, la question de l’Ordre et de la Justice dominait cette voix qui montait d’une prison d’État méritée et qui sortait, il faut bien le dire, des lèvres d’un conspirateur !

Et ce n’était pas tout. La voix d’amour et de résignation était accompagnée de celle de toutes les haines et de toutes les révoltes. Les beaux esprits qui feraient volontiers pendre leurs juges et qui, quand ils méritent le bagne, se plaignent qu’on les martyrise, tous ceux qui