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Pellico, il n’y a, dans la littérature italienne, que des clairs de lune de clairs de lune, se veloutant et s’effaçant de plus en plus dans des cieux plus pâles. Or, cette dernière tache de lumière mourant dans cette voie lactée, qui n’est pas faite d’étoiles, c’est Silvio. Silvio Pellico, l’auteur de Françoise de Rimini, affadissant la suavité du Dante, représente bien, dans les cordes tendres de la lyre, ce que Ugo Foscolo représente dans les cordes dures. C’est un talent sans vérité, énervé comme l’autre est tendre, mais tous les deux sont impuissants. Seulement c’est ici que la supériorité de Silvio commence. Talent insincère, et même nul, c’est du moins un esprit auquel le christianisme, qui fait marcher droit les boiteux et voir les aveugles comme son divin Maître, est venu en aide, comme il y vient toujours, par la douleur et l’épreuve de la vie, tandis que Foscolo, inaccessible au christianisme, ne se redressa jamais, bronze mal venu, tordu à faux, et qui grimace une énergie convulsive, au lieu de pleinement l’exprimer.

Ainsi, la grandeur de Silvio Pellico n’est pas une grandeur de ce monde ; elle n’est ni littéraire, ni politique, ni même humaine. C’est une grandeur d’une autre genre. C’est la grandeur de la petitesse, de la médiocrité sentie, acceptée, épousée, la grandeur à part de tous ces renoncements qui seraient si tristes, si la Résignation n’y passait pas son petit filet d’un or si pâle et si divin ! C’est un Chrétien que Pellico, sans rien plus que le bon sens, le sens apaisé du chrétien en face de la vie. Sans le christianisme, il serait presque acéphale, cet homme sans esprit, sans talent, sans volonté, sans passion, sans amour, du moins comme