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avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poëte dont le doux nom a servi à tant de tapages ! Il en est toujours ainsi, du reste, des correspondances. Elles ne laissent jamais un homme à la place où cet homme était. Ou elles l’exhaussent, ou elles l’abaissent ou même elles l’effacent. Elles sont la meilleure contre-épreuve des mérites surfaits. Elles montrent l’homme dans une vérité plus sincère, et l’histoire y gagne, si l’homme y perd — ce qui vaut mieux !

Mais Silvio Pellico perdra-t-il réellement à ce qu’on ait publié la sienne ? Et pour tous ceux qui savent s’élever au-dessus des rubriques des partis et de leurs hypocrites langages, la vraie et la seule grandeur n’est-elle pas ici du côté de la vérité de l’histoire ? Silvio Pellico, si chiche qu’il soit par tant de côtés, a une grandeur à sa manière, et cette grandeur-là est plus pour nous que le génie lui-même, l’enthousiasme de la terre natale et le charme de la pitié. De génie, d’ailleurs, il faut bien le dire, Silvio Pellico n’en eut point. S’il aima son pays, ce fut bien plus avec la tendresse d’un enfant inquiet qu’avec la vigueur d’un grand caractère. Il ne fut ni une âme forte, ni un esprit supérieur. Il ne fut pas même un grand poëte — un poëte, cette chose de troisième rang dans l’humanité ! Malgré les flatteries de sigisbée que lord Byron et Stendhal, en politesse de visite (et de carbonarisme aussi), ont prodiguées à l’Italie, cette Italie des derniers temps a été stérile en grands poëtes. Elle n’en a, pour bien dire, produit qu’un seul que Dante eût reconnu pour un des lionceaux de sa race, et c’est ce Capanée de Léopardi ! De Pétrarque à Métastase, de Métastase à Manzoni, et de Manzoni à Silvio