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Garat, Cabanis, malgré une médiocrité foncière, a laissé un sillon profond que d’autres ont fécondé, et a exercé une influence décisive sur l’enseignement en France, tel qu’il est encore aujourd’hui.

Comme le remarque M. Tessier avec infiniment de justesse, Cabanis, qui avait contre l’Église et les idées religieuses les haines perverses de son époque, voulait, dans la civilisation de l’avenir, remplacer les prêtres, dont le rôle était fini (pensait-il), par les vingt mille médecins qui allaient toucher en haut et en bas à toutes les réclamations de la société moderne et la gouverner en la retournant sur son lit de douleur. Le plan n’était pas mal combiné. Il valait mieux que la prêtrise des philosophes de l’avenir inventée, depuis, par MM. Cousin, Saisset et Simon. Ce plan aurait, s’il avait vécu, ravi d’espérance Condorcet. Sans le chrétien Napoléon, qui se mit tout à coup à faire les affaires de Dieu, et quelques esprits du plus haut parage, comme le vicomte de Bonald, qui, par parenthèse, traita Cabanis dans ses Recherches philosophiques comme plus tard M. de Maistre traita Bacon, le Matérialisme passait presque à l’état d’institution politique. Nonobstant l’effort de ces grands hommes, — de ces grands Spirituels, — il resta au fond de l’enseignement, en s’aplatissant, il est vrai, en y rampant, en s’y coulant comme un reptile, mais il y resta.

Un jour, la Philosophie générale eut assez de cette auge et releva le front. Les philosophes du dix-neuvième siècle réagirent contre les philosophes du dix-huitième. La Romiguière abolissait Condillac. M. Cousin, toujours poli, en sa qualité d’éclectique, effaçait Locke… d’un coup de chapeau. Galvanisé