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Nous tromper comme il se trompe lui-même ! — car il ne faut pas croire que cette tête, aux notions confuses, n’ait pas vis-à-vis d’elle-même la bonne foi de ses confusions. L’auteur de Terre et Ciel, dont la prétention le plus en relief est la théologie, qui s’en croit l’aptitude et qui n’en a pas même le rudiment, invoque naïvement, dans son livre, une théologie qui changerait en dogmes ses erreurs. Esprit physiologiquement religieux, tourné de tendance primitive et de tempérament vers les choses de la contemplation intellectuelle, métaphysicien et presque mystique, l’auteur de Terre et Ciel n’était point, par le fait de ses facultés, destiné aux doctrines de la philosophie moderne, mais pour des raisons qu’il connaît mieux que nous, et qu’il retrouverait s’il faisait l’examen de conscience de sa pensée, il n’a pu cependant y échapper. Il est le fils du dix-huitième siècle. Avec sa foi dans le progrès indéfini du genre humain, c’est une bouture de Condorcet. Mais — disons-le à son éloge — le dix-huitième siècle, dont il procède, n’a pu lui donner ce mépris de brute pour les problèmes surnaturels qui distingue ses plus beaux génies. Dieu, l’âme, son essence et ses destinées, les hiérarchies spirituelles, etc., sont restées des questions pour M. Jean Reynaud, et des questions que le Panthéisme contemporain ne résout pas. En vertu de son genre d’intelligence, la notion théologique n’a donc pas été abolie en lui, mais seulement obscurcie et faussée. Et voilà justement ce qui a produit sous la plume de ce philosophe singulier, qui a le coup de marteau de la théologie, un chaos également monstrueux pour les théologiens et pour les philosophes ! Voilà pourquoi il