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climats, les caractères, les idées, il ne nous doit pas le bonheur cependant, c’est ce que les philosophies politiques en dehors des idées chrétiennes n’ont pas compris, et ce que celle de M. de Beauverger, s’il en avait une à lui, — car il n’en a point, — ne comprendrait pas davantage. Toutes les philosophies politiques, sans exception, n’ont jamais compris que le bonheur ici-bas est restreint, relatif, chétif et borné, et qu’il ne dépend que de l’usage fait par chacun de nous de ses facultés. Elles parlent toutes du bonheur des peuples ! Elles s’abreuvent à cet abreuvoir. Aveugle méconnaissance de la réalité humaine ! Aucune de ces orgueilleuses philosophies n’a su prévoir que la postulation éternelle de l’impossible devait aboutir au déchaînement de tous les tocsins et que l’Envie, cette hôtesse de nos cœurs, aurait toujours le prétexte de la satisfaction des esprits sages pour justifier ses horribles animosités.

Eh bien ! c’était là une idée, c’était là un criterium dont on pouvait partir, puisqu’on s’occupait d’une histoire de la philosophie politique ! Si une telle pensée, par exemple, s’était emparée de l’esprit de l’auteur du Tableau historique des progrès et qu’il eût examiné à sa lumière les doctrines et les hommes dont il fait la revue dans son livre, ses appréciations auraient à l’instant même revêtu un caractère d’originalité et de profondeur qu’elles n’ont pas. Ce titre même de Tableau des progrès de la philosophie politique aurait contracté le mordant d’une ironie, et n’en serait ainsi que mieux entré dans les esprits. En effet, avec ce point de vue dés deux économiques d’ici-bas, qui simplifie tout en embrassant, par leur côté le plus général,