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de mort dans Pascal. Mais il y en a un autre qui ne mourra pas, c’est le poëte des Pensées ! c’est le poëte, qui est par-dessous tous ces raisonnements, tous ces doutes, toute cette syllogistique désespérée, toute cette algèbre de feu qui cherche l’inconnue et ne la trouve jamais, et qui, comme un phénix effrayé, aveuglé par les cendres du bûcher où il s’est consumé lui-même, se sauve tout à coup dans le ciel !

Du reste, on l’a traité en poëte, allez ! Le dix-huitième siècle, qui avait bien ses raisons pour ne pas aimer la poésie, l’a assez insolemment toisé du bas de sa prose, de sa raison et de sa froideur ! Un Jésuite l’avait appelé athée, ce Pascal qui tue l’intelligence sous Dieu ; des philosophes l’appelèrent visionnaire. Ils en firent un malade et ils inventèrent même une petite légende d’abîme qu’il voyait incessamment ouvert à ses pieds, et cette légende, qui rapetissait Pascal, a eu crédit longtemps, et c’est un poëte, c’est M. Sainte-Beuve, qui, impatienté, l’a mise à la fin en pièces, l’autre jour !

Poltron qui avait peur du diable ! Voilà comme on traduisait cette terreur sainte du Dieu irrité et jaloux qui féconda Pascal et en fit un poëte incompréhensible aux pousseurs d’alexandrins de tragédie ! Voltaire, Voltaire, qui se croyait avec raison plus philosophe que poëte, eut les pitiés les plus impertinentes pour Pascal. Dans ces remarques dont j’ai parlé et dans lesquelles il fait tour à tour le joli cœur et le Tartuffe :

« Ne mettons point, dit-il d’un ton protecteur, de capuchon à Archimède. » « Êtes-vous fou, mon grand homme ? » lui dit-il encore en se déboutonnant, familier et maraud ! S’il l’était, c’était de cette folie