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école d’où il est sorti, le défaut de l’armure de ses maîtres, la vacuité de leurs systèmes, le vice de leur enseignement et les grimaces de leurs prétentions. Il sait tout cela comme un de nous, et nous ne lui reprochons ni de le savoir ni de le dire. Dans la splendeur animée du monde catholique, où nous assistons à la vie, les philosophes nous semblent des ombres chinoises, des marionnettes noires qui s’agitent sur une toile blanche tamisée de lumière, et cela nous cause je ne sais quel frémissement de plaisir de les voir se livrer aux affreux amusements de la discorde et se briser des meubles sur leur majestueux angle facial. Ils se font ainsi justice eux-mêmes, et d’ailleurs, avant tout, même avant les convenances et les respects d’école, la vérité ! Mais ce que nous ne pouvons nous empêcher de blâmer dans le livre de M. Taine, c’est le manque absolu de sérieux et le scepticisme de ton qui invalide la critique que l’on fait ; c’est surtout une perversité de doctrines pire que celle des philosophies dont il se moque en les exposant.

M. Taine est un homme du dix-huitième siècle. Il l’est par l’expression et par le fond des choses, et comme il est tel dans le dix-neuvième siècle, il est très au-dessous, en réalité, des hommes du dix-huitième, car l’erreur, changée d’époque, ressemble à un monstre déterré. Elle est plus laide qu’elle n’était du temps de sa vie. Si on appliquait à l’auteur des Philosophes français un des procédés de son livre qui consiste à changer un homme de place, — à faire naître M. Cousin, par exemple, en 1640, et à le métamorphoser en abbé, en théologien et en successeur de Bossuet, —