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de la plus inepte curiosité. N’y aurait-il a cela que l’énervation des forces sociales ; en avons-nous tant que déjà nous puissions impunément les diminuer ? .. Le doux M. Renan, cet officier de paix de la critique, qui blâme M. Bauer de ses colères comme il a blâmé M. Fuerbach, revient à toutes les pages de son livre d’aujourd’hui sur cette idée fixe de l’indépendance absolue de la Critique, de la séparation complète des hommes et des choses. « Quand l’historien de Jésus-Christ, dit-il, sera aussi libre dans ses appréciations que l’historien de Mahomet et de Bouddha, il ne songera pas à injurier ceux qui ne pensent pas comme lui. » Raison pitoyable ! N’insulte-t-on pas tout ce qui contrarie et résiste, quand on est violent et orgueilleux, et les savants ont-ils l’habitude de manquer de violence ou d’orgueil ? Seulement il faut bien essayer de justifier n’importe comment ce qu’on voudrait faire accepter à l’opinion. Les moyens employés à cette fin par M. Renan seraient d’un tacticien supérieur, s’ils ne finissaient pas par trop éveiller la gaîté. Que diable ! il faut s’arrêter dans les nuances dont on parle tant ! « La critique des origines d’une religion, dit M. Ernest Renan, n’est pas l’œuvre du libre penseur, mais des sectateurs les plus zélés de cette religion. » C’est pour cela sans doute qu’il est sorti de Saint-Sulpice. Manière de se retrouver prêtre quand on a jeté sa soutane aux buissons du chemin ! Ailleurs il ajoute avec une componction d’âme pénétrée : « la critique renferme l’acte du culte le plus pur. » C’est le mysticisme de la chose. Mais n’est-ce pas trop gai qu’un tel langage, et le rire qui prend n’avertit-il pas ?

On en avait besoin, du reste. Excepté à deux ou trois endroits