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une aptitude philosophique véritablement supérieure. Mais nous qui ne sommes ni professeur, ni philosophe, Dieu merci, nous à qui la suite des temps a trop appris que le Spiritualisme du dix-neuvième siècle a fait autant de mal que le Matérialisme du dix-huitième, nous nous intéressons fort peu à ce débat entre Garat et Saint-Martin. A notre sens, le philosophe inconnu n’existe réellement que dans sa pensée religieuse, et c’est exclusivement là qu’il faut le surprendre et le chercher.

Et, nous le répétons, M. Caro l’y a saisi avec habileté. Il nous a donné, en quelques pages pressées et pleines, toute la substance médullaire des doctrines de Saint-Martin. En les lisant, on est surtout frappé de cette idée que le dix-huitième siècle, dans sa haine contre le catholicisme, n’a pas seulement trouvé, pour la servir, des raisonneurs et des impies, comme l’affreuse société qui soupait contre Dieu chez d’Holbach, mais aussi des âmes d’élite, des cœurs tendres, aux intentions pures, de nobles esprits qui croyaient au ciel. Saint-Martin fut un de ces ennemis du catholicisme, qui le frappèrent d’une main chrétienne. Il avait, au plus haut degré, ce qui est le signe de l’hérésie depuis que l’hérésie est dans le monde, c’est-à-dire la haine du sacerdoce et la fureur de sa propre interprétation.

Qu’avaient de plus Luther et Calvin ? M. Caro, qu’il faut lire, si l’on veut connaître cet hérésiarque au petit pied, qui se croyait et se disait « né avec dispense », et qui peut-être, hélas ! aurait été un saint, s’il avait eu l’obéissance, M. Caro tourne contre Saint-Martin tous ces grands arguments de l’Église contre le