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philosophe du douzième siècle, au lieu d’écrire en latin ses désirs fétides, les avait écrits en français !.... ou même en allemand.

Tels sont les degrés successifs et les nuances par lesquels Mme Daniel Stern, cette effrayante éleveuse de pédantes, croit nous amener à l’émancipation définitive de son sexe, qui est toute la politique pour elle. Les désirs qu’elle exprime dans son livre d’aujourd’hui sur l’amélioration de la femme, et cette amélioration qu’elle indique, sont déjà le commencement de cette émancipation. Dans les Esquisses morales, Mme Stern ne s’occupe pas seulement de la femme ; elle jette aussi des vues sur l’homme, sur son éducation, dans laquelle elle remplace le catholicisme et sa tradition, qui éveille trop tôt l’enfant du beau rêve de la nature (n’est-ce pas joli ?), par Triat et ses gymnastiques et par Diafoirus et Purgon. L’enfant doit être purgé, dit-elle, en s’appuyant sur l’opinion d’un grand médecin de ses amis. Il paraît que la purgation n’éveille pas trop tôt du beau rêve de la nature. Après l’homme, on trouve aussi des vues sur Dieu dans le livre de Mme Stern. Ce mot-là (Dieu) recouvre, dit-elle, pour la plupart de ceux qui l’emploient, par son ampleur, le vide de la pensée. Elle répète avec Spinoza « que la volonté de Dieu est l’asile de l’ignorance. » Le mot, qui veut être cruel, pourrait être charmant. L’ignorance, toquée de superbe, préfère à cette volonté l’asile des quatre vents et l’hôtel de la Belle-Étoile. Il faut un tuteur et un asile à la faiblesse : or que dire de l’ignorance de Mme Stern, abjurant l’asile et le tuteur ?… Quoi qu’il en soit de ces points de vue divers, la grande question qui domine les Esquisses morales et la pensée de leur auteur est l’émancipation de la femme, et c’est sur cette question que la Critique doit particulièrement insister.

Hélas ! cette question est maintenant jugée, et nous ne disons pas seulement, avec Mme Daniel Stern, qu’elle est compromise, nous disons qu’elle compromet ceux