Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

très-peu héroïques. Personne, dans aucun camp d’idées, je l’espère bien, ne croira à la bonne petite femme artiste, qui ne se doute de rien, quand elle inspire la haine du mariage, dans des romans comme Valentine, Indiana et Jacques, et sème l’adultère dans les cœurs ! Tous tant que nous sommes, nous répudierons avec un sentiment que, par politesse, je veux bien ne qualifier que d’inexprimable, cette affectation de simplesse et de bonhomie ; cette bergerie de l’art pour l’art, cette papelardise de Sainte Nitouche littéraire, et tous, nous poserons cette question à laquelle il est impossible de répondre : Est-ce donc que Mme Sand est dans la cour de Ponce-Pilate pour se renier si bravement ainsi, et pour dire d’elle-même : « Je ne connais pas cette femme-là ? »


III


Et la manière dont elle se renie est aussi curieuse que le reste ! D’ordinaire, l’hypocrisie n’est pas commode. Elle cause assez de peine et d’embarras à ceux qui se la permettent. C’est un vice qui demande presque du caractère. Mais Mme Sand n’est point une lady Tartuffe… de naïveté, qui se mette à la torture pour nous persuader qu’elle n’est qu’une innocente, — une Agnès littéraire qui se contente seulement d’être belle (dans ses Œuvres), car elle ne se nie pas, elle ne se refuse pas ce genre de beauté ! Ici, voyez-vous ? l’enfant gâtée du public qu’elle fut toute sa vie, se retrouve dans la légèreté avec laquelle elle nous affirme, après tant d’années d’effet funeste sur l’imagination contemporaine, qu’elle est innocente comme l’enfant qui vient de naître ; — et prétend nous imposer, rien qu’en se récriant, une opinion qui demanderait qu’on se mît en quatre pour la prouver ; se flattant sans doute qu’à son premier petit souffle, — tout-puissant, — elle nous fera tourner comme des girouettes !