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de la littérature, de la politique et de l’histoire. Seulement, nous l’avouons, nous, avec franchise, la femme de cette politique, de cette histoire et de toute cette littérature, quoiqu’elle soit protégée et même éclairée par la merveilleuse distinction de son être, par la formidable finesse de femme qui n’est jamais dupe des grosses choses du temps ; et quoiqu’elle sache très-bien plonger toujours sa longue épingle au point juste où il faut la plonger, la femme nous plaît moins alors en ces sujets, et nous paraît beaucoup moins elle ! Elle devient alors ce vicomte de Launay qui semblait d’abord impossible. Assurément on donnerait volontiers la main à ce charmant et noble jeune homme sur tous ces sujets de discussion contemporaine qu’il traite avec l’air de les cravacher ; et même parfois on la lui serrerait avec une cordialité ardente, mais ce n’est plus comme en chiffons, cet art de la femme. Ce n’est plus là la fée aux pieds de qui tous ceux qui aiment la grâce tomberaient pour lui rendre hommage, si ces pieds étaient encore là !


III


Ce fut en 1836 que l’idée vint à Mme de Girardin d’écrire ses Lettres parisiennes. Elle avait été jusque-là une femme de lettres brillante et enviée, n’ayant été femme que les jours où elle avait été poëte, et ces jours-là, vous le verrez, furent moins nombreux que ces poésies, quoique plusieurs d’entre ces jours aient été très-beaux ! Un matin, lassée de son esprit d’auteur, elle que sa beauté même a lassée, elle voulut respirer de tous ses succès de bel esprit, de Muse de salon, de femme de lettres, et elle prit ce masque de jeune homme à la mode que son magnifique front a fini par crever et qui, bien loin d’étouffer son frais et moqueur éclat de rire, le fit, je crois, vibrer plus haut ! Hélas ! dans l’atmosphère d’une