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tentieux, plein de cailletage, mortel à la gaieté, qu’il veut inspirer, et dont la sécheresse n’empêche pas la prolixité. Quand on songe que c’est ce style-là, et pas un autre, que Mme  Sophie Gay nous a donné dans les quatorze volumes de ses Œuvres complètes, on se demande vraiment par quel phénomène d’organisation on peut être à la fois si abondante et si aride.


IV

Les Œuvres complètes de Mme  Sophie Gay ne se composent pas moins, en effet, que de quatorze à quinze volumes, quelques-uns très-compacts, comme un Mariage sous l’Empire et les Malheurs d’un amant heureux. J’ai en commençant ce chapitre exprimé des doutes sur les chances d’avenir qu’avait cette réimpression des œuvres complètes d’une femme qui a fait, par la force de sa coterie et le bavardage toujours prêt de sa plume, l’illusion du talent aux gens de son temps, aux éternels badauds qui sont le fond de tous les publics. Mais cette réimpression n’en est pas moins intelligente, comme toute réimpression d’œuvres complètes, qui ramène sous le regard, en une seule fois, les forces éparpillées d’un esprit qu’il s’agit de juger définitivement, et qui peut être aussi regardée comme le dernier coup de sonde donné à l’opinion publique.

On saura maintenant si le bavardage effréné de ce bas-bleu qu’on appelle Mme  Sophie Gay, au talent de qui nos pères ont cru avec tant de bonhomie ou de galanterie, peut être encore supporté et paraître quelque chose qui ressemble à du talent quelconque ! Après Balzac, après Stendhal, après Gozlan, après Mérimée, je dois dire même après Mme  George Sand, sur laquelle je n’épouse pas cependant les admirations à quatre pattes de mon époque, on saura s’il est possible de lire, sans mourir d’ennui, Mme  Sophie Gay ! Il n’est rien