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deur doit emplir rasibus toute la tête de Mme Le Normand, M. Guizot, qui raconte qu’un jour, en l’entendant réciter une phrase de Chateaubriand, Mme de Staël, s’avisant, se mit à crier qu’il jouerait supérieurement la tragédie, ce qui est comique, et lui proposa le rôle de Pyrrhus ou d’Oreste dans Andromaque, ce qui aurait été bien plus comique encore, s’il avait accepté ! Enfin, elle est entrée, sans sortir de chez elle, chez M. de Loménie, qui a fait, nous dit-elle par manière de renseignement, une notice sur Gœthe, spirituelle et piquante.

Certainement M. de Loménie a des qualités. Il est le Bénédictin de sa propre pesanteur, qui se débat laborieusement pour dire quelque chose et être léger, et qui recommence infatigablement le débat. Mais spirituel et piquant ! C’est un mot de belle-mère, car elle est belle-mère comme elle est nièce, Mme Le Normand, et c’est très-estimable. Les parentés et les amitiés sont d’excellentes choses. Mais le livre de Mme de Staël et de la Princesse Louise nous apprend aujourd’hui, comme les Souvenirs de Mme Récamier nous l’avaient déjà appris, que ce n’est pas uniquement avec cela qu’on fait des portraits ressemblants et vivants et placés dans des jours nouveaux, qu’on annonce, — dans la perspective, définitive et suprême, où jusqu’ici on ne les avait jamais vus !