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niveau avec le génie. Ses ridicules, si elle en a eu, et pourquoi pas ? bien souvent c’est la sottise d’esprit et la bassesse de l’âme des autres qui nous les donnent ! ses ridicules sont noyés dans la gloire, une nappe de lumière bien tranquille. Est-ce sur tout cela que vous allez faire tomber un jour plus vrai ?… C’est curieux et c’est une curiosité bien permise. Vous l’excitez. Vous êtes fallacieuse. Ce livre promet. Il est plein de promesses chatoyantes et chattemites… Et puis, rien ! Le chat s’est esquivé !


II


Le moyen de trouver cela bon, s’il vous plaît ?… Je sais tout ce qu’on doit à une femme — à une nièce — à une nièce d’amie — et à leurs illusions, à leurs triples illusions ! Mais il m’est pourtant impossible de les partager. D’ailleurs, n’y a-t-il que des illusions dans le fait de l’auteur de Coppet et Weymar et de Madame de Staël et la Princesse Louise ?… S’il n’y avait que des illusions, Mme Le Normand n’aurait publié que les quelques lettres de Mme de Staël que je trouve dans son livre, avec le mot d’avertissement convenable pour annoncer qu’on allait éclairer Mme de Staël d’un jour plus vrai et pour se féliciter de la position particulière qui a permis de faire le cadeau de ses lettres au monde ! Mais il n’y a pas que le cadeau !

Il y a tout un livre qui n’est pas un cadeau, lui, et qui s’est glissé entre ces lettres ! Oui, un livre, bel et bon, pour le compte de Mme Le Normand, laquelle ajoute ces pauvres lettres que Mme de Staël a oublié de jeter au feu, une biographie de Mme de Staël que nous y jetterons, nous ! car elle ne nous apprend rien de ce que nous ne savons pas et elle oublie beaucoup de choses que nous savons. Une Vie donc de Mme de Staël, tel serait le titre sincère, le titre loyal du livre d’aujourd’hui, — souricière où ne manqueront pas de se