voudrais y faire pour toujours retrouver… Certes, oui, je l’aimerais et l’admirerais bien moins, si elle était plus homme ! car elle serait moins dans la vérité de son sexe, de sa nature, de la société. Elle serait moins dans l’ordre absolu de toute vérité. Si elle avait le malheur d’être plus homme, elle aurait quelque chose de transgressé dans la loi, de faux dans l’harmonie, de difforme dans l’organisation.
Une femme-homme, c’est presque monstrueux ! Mme de Staël, à qui des critiques aveugles ont voulu imposer cette monstruosité et fait croire, par là, à toutes les femmes bas-bleus qui se sont coupé un jupon dans la queue de sa robe, qu’elles pourraient à volonté être des hommes par le cerveau, aussi bien que nous, Mme de Staël, uniquement femme en ses facultés intellectuelles, le fut encore dans l’emploi qu’elle en fit et les sujets auxquels elle les appliqua. Quelqu’un qui, sans savoir que ses livres sont d’elle, les ouvrirait au hasard, y reconnaîtrait, à toute ligne, l’âme d’une femme, la pensée d’une femme ; et même, dans les plus passionnés, dans ceux-là que des moralistes sévères ont trouvés presque coupables, il y a cependant un accent de pureté, de sincérité et de tendresse, d’amour pour tous les sacrifices, de respect pour tous les enthousiasmes, qui révèle bien toute la femme qu’elle fut. Cette femme, qui ne crut jamais à l’orgueilleuse indépendance de la femme, a fait dans ses livres la plus belle apothéose qu’il y ait de la fidélité conjugale et du mariage. Sa Corinne n’est pas une adultère. Sa Delphine non plus. Delphine et Corinne sont des femmes, de faibles femmes, divines de faiblesse, comme leur auteur. Elles sentent le besoin d’appui, et ne se révoltent point contre la supériorité de l’homme qu’elles aiment, au nom de la leur qu’elles aiment encore davantage. Elles ne titanisent pas. La femme, pour être plus femme chez Mme de Staël est chrétienne. Protestante de naissance, comme on sait, mais catholique d’âme et d’imagination comme les femmes bien faites,