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Quand je vous dis que le bas-bleu est maintenant formidable ! Dans la démocratisation universelle, c’est le dernier mot de la démocratie. Sans talent, il est encore un bas-bleu et c’est une importance ; et voilà pourquoi j’ai parlé si longtemps de Mme Claire de Chandeneux !

Qui sait ? dans cette société désespérée, elle a peut-être de l’avenir…

    qui est la monstruosité de la platitude, est moins une flatterie personnelle que l’expression de la tendance universelle vers un bas-bleuisme, accepté enfin, — comme Mme Sand elle-même, — par la lâcheté bien plus que par l’enthousiasme du temps. Cette femme absolument sans esprit, malgré son espèce de talent, et dont on a osé placer la statue là où Voltaire seul, ce Dominateur par l’esprit, a la sienne, n’a jamais, au fond, inspiré, comme Voltaire, d’enthousiasme à personne, malgré ses succès… Elle ne s’est donnée, pour les avoir, que la peine d’être une femme. Le scandale de ses mœurs a ravi les jeunes feuilletonistes du temps où elle débuta. Ses agressions philosophiques contre le mariage firent le reste. Elle a beaucoup écrit, on l’a beaucoup lue, et elle a beaucoup corrompu. Son temps s’est imbibé d’elle comme l’éponge s’imbibe d’eau. Sa gloire, de suffrage universel (une honte pour la gloire), s’est faite du plus mou consentement de tous, — comme sa statue a été placée au Théâtre-Français sans discussions préalables, sans élan, sans passion électrique ou embrasée. On n’a eu que la peine de l’y porter, — et les premiers jours qu’on l’y a vue, elle y a été regardée avec l’œil rond d’une foule badaude, qui fait une plaisanterie morne et puis, qui s’en va… Le vieux xixe siècle, — car le voilà vieux, — ressemble au vieux célibataire, qui souffre qu’une femme soit tout chez lui et s’y permette tout.

          Eh bien ! pour cela, il mérite tout !