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CHAPITRE XX

Mme GUSTAVE HALLER[1]




I


La femme qui a écrit ce roman débuta, il y a un ou deux ans, dans la République (féminine) des lettres, sous ce nom qu’elle signe aujourd’hui de « Gustave Haller ». C’était un nom d’homme que son livre démentait. Le livre, en effet, était aussi féminin que possible… un bout de feston, un rien brodé… de soie bleue ! Cela s’appelait le Bluet. Le nom d’un homme jurait là-dessus…, mais quand on prend du masque, on n’en saurait trop prendre. Une femme, se déguisant en homme, croit être moins reconnue, et le petit tremblement de l’insuccès se cache mieux sous un masque hardi. Eh bien ! si on réussit, on l’ôtera, ce masque, et on jouira de sa petite gloire, à visage découvert… Or, comme en attendant cet heureux jour, on l’avait levé pour la Critique qu’il faut séduire, et qui n’étant pas une Lucrèce, mais une femme des plus galantes, avait fait à l’auteur du Bluet force articles favorables et madrigalesques, la personne mystérieuse qui signe Gustave Haller, avait, enchantée, levé un bout de masque aussi du côté du public. On avait vu un œil, comme dans l’entrevoile d’une Péruvienne.

  1. Le Bluet. — Vertu. — Chez Lévy.