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à sa place, et c’est là aussi la première peine que lui infligea ce prélat qui ne connaissait pas la volupté, dit-elle, mais qui, sans volupté, lui fit un enfant. Certes, n’était-ce pas là, dans cette première liaison, sinon du bas-bleuisme pur, du bas-bleuisme pourtant dans toute sa gloire ? Et quoique les amours qui suivirent celui-là et se succédèrent les uns aux autres avec une précision et une rapidité presque militaires, fussent des amours plus passionnés, il ne faut jamais perdre de vue qu’ils étaient toujours plus ou moins des amours de bas-bleu, dans lesquels le galimatias philosophique et littéraire se mêlait sans cesse au galimatias involontaire de la passion.

Ainsi le bas-bleu, même avant la tête passionnée ! Les grands mots de la préface de Mme Sand ne m’en imposent point. Mme Sand, qui est la reine indiscutée du bas-bleuisme contemporain, a voulu faire le bonheur d’une de ses sujettes. Mais elle a beau me parler de l’héroïque sincérité de l’âme ardente et forte dont elle recommande le volume présent au public ; elle a beau m’exalter cette âme indépendante et fidèle, qui n’oublie aucun de ses amours en les variant et qui ne combat rien dans son âme par la très-morale raison que le temps qu’on perd à combattre contre soi, on ne fait pas Corinne, si on fait Mme de Staël, je me connais trop en logomachie pour ne pas reconnaître les idées, les façons de dire, les affectations du bas-bleu moderne, cette espèce à part et déjà si commune et pour être infiniment touché du spectacle que me donnent, à la fin de cette préface sur laquelle on a compté, ces deux antiques Mormones du bas-bleuisme contemporain dont l’une couronne l’autre de roses à feuilles de chêne, avec un geste tout à la fois si solennel et si bouffon ! Assurément la passion a dû chauffer parfois cette organisation de bas-bleu enragé qui n’a pas toujours vécu, comme elle le raconte, de la vie de l’écritoire, quoique l’écritoire, le livre, le cahier, l’idée de faire son petit roman ne la