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qui a le droit de s’attester au même titre que l’homme et dans des œuvres semblables à celles de l’homme, — le bas-bleuisme est-il une vérité ou un mensonge, un cri du talent opprimé ou une prétention de la vanité ; une illusion et un désordre ?

Physiologiquement, métaphysiquement, socialement, a-t-il le droit de se produire et d’exister ? Physiologiquement, métaphysiquement et socialement, trois choses unies et dépendantes, la femme est-elle conformée de manière à faire dans toutes les sphères de l’activité humaine, identiquement ce que fait l’homme ; et comme il ne s’agit ici que de littérature et d’art, est-elle d’organes, de cerveau, et même de main, lorsqu’il s’agit d’art, capable des mêmes œuvres que l’homme, quand l’homme est supérieur ? Car, si la femme n’est égale à l’homme que quand il est médiocre, nous avons bien assez comme cela de médiocrités dans le monde, et ce n’est pas la peine de les augmenter !

Voilà la question ; et l’accent de ces pages aura déjà dit que, pour nous, elle est résolue. Pour notre compte, nous ne croyons nullement à l’égalité spirituelle de l’homme et de la femme, telle que le bas-bleuisme la suppose et la pose. Pour nous, il y a identiquement les mêmes différences de l’homme à la femme, dans son esprit que dans son corps. Or, s’ils sont différents, c’est évidemment pour faire des choses différentes et différence implique hiérarchie. L’ordre n’est qu’à ce prix. Ordinairement les femmes sont enchantées, quand on exprime sur elles des opinions impertinentes ; quand, en conversation, par exemple, on essaye de leur couper la tête avec ce vieux sabre turc qui ne coupe plus : « il faut avoir sur les femmes les opinions de l’Asie, » ou encore quand on parle de ce fameux concile qui n’a jamais existé, où l’on décréta « que les femmes n’avaient pas d’âme. »

Elles sont heureuses d’avoir à répondre à ces vieilles bêtises traditionnelles qui ne font pas que de courir les