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race ?… Toujours est-il qu’on le dirait. Toujours est-il qu’à l’heure qu’il est, dans tout ordre de faits, l’élément mâle se laisse absorber par l’élément femelle et que l’homme se prête à cet immense ridicule ! Même l’observation, quand il s’agit de femmes, n’ose plus maintenant être cruelle. L’âpre Chamfort, s’il revenait, n’écrirait plus que la femme a de moins que l’homme un tiroir dans la tête et une fibre de plus dans le cœur. Il conviendrait toujours de la fibre de plus ; mais le tiroir qu’il a nié, il l’ouvrirait, si même il n’en trouvait pas deux. Parmi les moralistes contemporains, aucun n’a eu le courage de s’inscrire en faux contre la tendance de tout le monde et de rabattre les ambitions féminines…, aucun, excepté Proudhon, le rude casseur de pierres, qui est traité d’esprit grossier, depuis ce temps-là ! Enfin, jusqu’en religion, la sphère impénétrable, l’influence de la femme a, par je ne sais quels invisibles pores, pénétré…

Des esprits hardis ont irrévérencieusement écrit que présentement la Vierge primait Jésus-Christ. Impiété à part, ils ont vu clair ; et par cette audacieuse parole, la tendance universelle a été montrée dans sa dernière profondeur.


III

Tels les faits, les faits actuels, — irrévocables, je n’en sais rien, mais certains, patents, indiscutables. Quand on les a montrés et racontés, il ne reste plus à demander si ces faits engendrés par les causes que nous avons dites, sont bons ou mauvais en eux-mêmes ; légitimes ou illégitimes, le développement naturel des choses humaines ou une de ces distorsions que l’homme, avec son libre arbitre, peut leur imprimer… En d’autres termes, le bas-bleuisme, — si on entend par là et on ne peut entendre par là que l’égalité entre l’homme et la femme