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dans le nom de son père, et je dis bien. Mme Marie-Alexandre Dumas s’appelle, si je ne me trompe, Mme Peytel, mais elle a mieux aimé signer son livre de son nom de Dumas, et non pas de son nom de Dumas tout simplement, mais de son nom de Marie-Alexandre Dumas, pour qu’on n’en ignore, comme disent les huissiers. Elle aurait pu même signer : « Marie-Alexandre Dumas père, » car M. Dumas a un fils. M. Alexandre Dumas a Dauphin et Dauphine, — plus heureux en cela que l’autre roi littéraire, M. Victor Hugo, qui, lui, n’a eu que des Dauphins !

Et le nom n’a pas été assez. Rien n’est jamais assez. Il n’a point suffi à Mme Marie-Alexandre Dumas de se mettre sous l’auvent du nom de son père, sous ce parasol de Runget-Sing… Elle a dédié son roman à son père. Elle l’a adressé à son père. Elle en a fait une lettre à son père. Ah ! on dit que le sentiment de la famille n’existe plus ! Quels sont donc les imbéciles qui disent cela ? S’adorer en famille, devant le public, depuis Mme de Sévigné qui n’aimait sa fille que par lettres, cela a toujours réussi ; au contraire ! Mme Marie-Alexandre Dumas ne se contente pas, dans son livre, d’être fille comme Mme de Staël l’était, avec cette bouffissure de Necker, qu’elle prenait pour le plus grand homme qui eût jamais existé. Elle y est sœur. Elle y parle aussi de son frère. La Dauphine n’oublie pas le Dauphin. Le roman qu’elle a écrit est une étude de famille qu’elle leur donne à creuser, à ces deux grands romanciers, à ces deux puissants poètes dramatiques ! dont elle veut qu’on sache qu’elle est bien la fille ! dont elle veut qu’on sache qu’elle est bien la sœur ! Et, quand elle voudrait le cacher du reste, elle ne le pourrait pas, tant elle est tous les deux ! tant elle est véritablement — et n’est que cela — Mme Marie-Alexandre Dumas père et Mme Marie-Alexandre Dumas fils, procédant également de l’un et de l’autre, — la troisième personne de cette Trinité de Dumas, qui s’en croit l’Esprit-Saint peut-être, mais à qui je voudrais, si