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tique escalier qui conduit à Dieu. Une mission qui eut lieu à Gaillac, en 1829, augmenta encore les ardeurs d’une foi qui avait toujours été très-vive. À dater de cette époque, elle mit son âme en état d’approcher tous les huit jours de la communion, et même plus souvent dans les dernières années de sa vie, lorsque sa santé ébranlée lui permettait d’aller à son église, assez distante de celle du Cayla. Comme on le voit, tout ceci ne ressemble pas à la littérature actuelle et aux mœurs des femmes à qui la clameur des badauds octroie présentement du génie. Nous avons l’impertinence de parler d’une Sainte, morte, — comme disait le rêveur, son frère, — avec « son auréole d’obscurité » autour de la tête. Sans décliner l’impertinence, nous avons trouvé original et piquant de savoir le détail, heure par heure, des jours qu’a passés sur la terre une fille digne d’atteindre à tous les sommets, et voici ce que nous avons à apprendre aux demoiselles les mieux élevées, qui vont effeuiller des camélias aux Italiens :

« Elle se levait à six heures du matin lorsqu’elle n’était pas souffrante. Après s’être habillée, elle faisait une prière vocale ou mentale, et lorsqu’elle était dans une ville, elle ne manquait pas d’aller entendre la messe au premier autel. Au Cayla, après sa prière, elle passait dans la chambre de son père, soit pour le soigner, soit pour lui servir son déjeuner qu’elle accompagnait d’une lecture. À neuf heures, elle rentrait dans sa chambre et récitait les prières de la messe. Si son père se portait bien et n’avait pas besoin de son aide, elle s’occupait soit à lire, soit à écrire, soit à travailler, ce qu’elle aimait beaucoup (fée par les mains comme elle l’était par l’âme !) ; soit enfin à surveiller le ménage qu’elle dirigeait avec infiniment de goût et d’intelligence. À midi, elle retournait à sa chambre et récitait l’Angelus ; puis venait le dîner. Quand il était fini, si le temps le permettait, elle faisait une promenade pour distraire son père ou quelquefois