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tombait dans la rue, sèche et grise, entre ces deux files de maisons tristes alors comme cette froide saison de l’année, aux seuils veufs et aux fenêtres closes[1] : les unes sans les simples femmes qui aiment à travailler aux portes quand le temps est doux, les autres sans une frange de rideaux jouant dans les souffles de l’air qui sont comme l’âme de la lumière, et la courbe molle d’un cou penché, entr’aperçu parfois comme un furtif arc-en-ciel d’une seule et tendre nuance, à travers quelques chastes pots de réséda. Décembre avait enlevé à cette ville de province ces charmes d’accidents d’une vie paisible et épanouie ; il faisait désert dans la rue : peut-être une mendiante y passait-elle ; mais, quand on avait perdu son mantelet de ratine d’un blanc jauni à l’angle d’une maison où elle tournait et le bruit clair et lent de son sabot sur le pavé, il s’écoulait des heures avant que l’on entendît quelque autre bruit aussi mélancolique et que l’on distinguât un être vivant.

Elles s’accoudèrent sur le rebord en granit de la fenêtre, offrant les fleurs printanières de leur chevelure à l’air rigide, groupe d’une exquise fraîcheur dans la terne encadrure de cette fenêtre, fantaisie peinte au pastel sur du

  1. Saint-Sauveur-le-Vicomte