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chose que du sang. Il était humilié comme artiste. Jamais la beauté d’une femme, quelque resplendissante qu’elle fût, n’avait parlé un plus inspirant langage à son imagination que cette forme altérée et qui bientôt serait détruite. Involontairement, il se demandait s’il y a donc plus de poésie dans l’horrible travail de la mort que dans le déploiement riche et varié de l’existence ? La maladie de Léa était de celles dont les progrès sont à peine perceptibles. Tout ce que l’homme en sait, de cette terrible maladie, c’est qu’elle est mortelle ; mais il ne lui est guère possible de l’étudier dans ses développements et de prédire le moment où, comme irritée de la résistance de l’organisation, elle achèvera de la briser. Mme de Saint-Séverin n’entretenait plus, depuis longtemps, ces illusions qui, comme des femmes perfides, nous mettent leurs douces mains de soie sur les yeux pour nous cacher la réalité. Elle savait que l’état de sa fille était sans ressource, qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard Léa n’achèverait pas sa jeunesse, et que ce moment d’angoisse et de larmes ne se ferait pas beaucoup attendre. Telle était la pensée qui lui mangeait vives les fibres du cœur, et qu’elle cachait sous d’angéliques sourires et sous une confiance si