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sont pas même du libertinage, il n’y a pas, morbleu ! en inventoriant toutes ces jeunesses, de quoi dire si haut : Je fus jeune et fou comme vous ! Taisez-vous donc, les catéchistes modèles, ne parlez jamais des orages de vos jeunesses, phrase ridicule et qui passe de la main à la main. Voici une vanterie que je vous défends ! Vous avez vieilli, c’est-à-dire vous avez perdu vos dents et vous vous êtes coulés à fond dans le mariage, comme dit mon ami Sheridan, et puis c’est tout. Mais jamais rien ne battit fort dans vos artères carotides et votre cœur est toujours allé du même pas.

Cependant, messieurs nos pères, puisque nous fouillons dans votre vie, serait-il impossible d’y trouver de ces choses qui, rappelées à votre mémoire, vous couperaient la voix à l’instant lorsque vous jetez les hauts cris sur les passions de nos jeunesses, à nous, quand nous sommes passionnés ? N’y trouverait-on pas des noirceurs, peut-être une infamie, quelquefois une atrocité ? Vous ne savez pas ce que c’est qu’une âme, ce que c’est qu’une passion, ce que c’est que cet ouragan, cette trombe qui tourbillonne dans les anfractuosités d’une poitrine d’homme, et qui finit par les briser… Mais, ce qui vous était si facile, êtes-vous toujours restés de plats honnêtes gens ?