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jaloux et se venger. Il ne faut qu’assez d’intelligence pour comprendre le mot trahison. Eh bien, quand avec ce peu d’intelligence on a de l’amour aussi, comme Othello, qui oserait appeler coupable celui-là qui est jaloux et qui se venge ! Et quand cette vengeance qui n’apaise point est finie, et que l’on est si malheureux que le remords soulagerait, le remords qu’il est impossible d’avoir parce que l’amour a tout envahi dans l’âme, oh ! qui ne donnerait pas à tant de souffrance au moins une larme, quand il reste une larme à donner.

Pleurez donc sur Othello, jeune femme, je vous le répète, sur cette âme que la douleur a sillonnée, noircie, brûlée, ensanglantée, mise en pièces comme des balles mâchées dans de la chair et des os. Il n’y a qu’Émilia qui soit en droit de l’appeler monstre, car elle avait soigné Desdemona toute petite, puis adolescente, puis épousée, et de chagrin elle délirait quand elle appelait Othello ainsi. Mais vous, Maria, vous ne le pouvez pas !

La vengeance d’Othello ne fut point d’un monstre. Il pleura avant de tuer sa femme, et quels pleurs ! Il pleura aussi quand il l’eut tuée et avant d’être détrompé ! Et quand il n’eut plus de larmes sous sa paupière, il en chercha à la source, avec la pointe d’un poignard ;