Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

V

Pour bien comprendre cette préoccupation nouvelle, si soudaine et si diabolique, dont elle devait plus tard être la victime, il faut dire ce qu’était alors Jeanne-Madelaine de Feuardent, femme par mariage de maître Thomas Le Hardouey.

C’était une femme dans la fleur mûrie de la jeunesse, active, courageuse, et de ce sens droit, perçant et supérieur, qu’on rencontre dans une grande quantité de femmes de Normandie, la terre classique de cette forte race de ménagères qui entendent si bien le gouvernement du logis. Il fallait qu’elle inspirât beaucoup d’estime dans la contrée, car, quoique riche, et d’une richesse mal acquise par Thomas Le Hardouey, qui passait pour un homme violent et rusé, on ne la haïssait pas.

On savait la distinguer de son mari quand on en parlait. À elle, on ne lui reprochait rien, si ce n’est un peu de hauteur quand on pensait à son mariage, mais qu’on lui pardonnait quand on pensait à sa naissance.